À Charjah, les trésors du patrimoine littéraire arabe

  • ActuaLitté
  • 6 November 2017
  • Antoine Oury

La Foire internationale du livre de Charjah est un des événements ouverts au grand public et consacrés au livre parmi les plus visités du monde. Avec 2,3 millions de visiteurs en 10 jours, d'après les organisateurs, les allées sont parfois chargées... Petite pause dans le carré des antiquaires et des bibliophiles qui, comme dans toutes les foires du livre, donne de quoi s'émerveiller...

La librairie spécialisée dans les livres rares et précieux Inlibris, à Vienne, en Autriche, avait fait le déplacement jusqu'à l'émirat de Charjah, dans les Émirats arabes unis, pour la Foire internationale, avec quelques ouvrages inestimables dans ses bagages... Petite visite guidée :

Si l'exposition d'Inlibris commence par la première édition du De humani corporis fabrica libri septem d'Andreas Vesalius, considéré comme un des ouvrages d'anatomie les plus célèbres au monde (mise à prix 950.000 €), elle est essentiellement consacrée à des ouvrages arabes, traduits vers l'arabe ou consacrés à la péninsule arabique.

Le Marifetname, ou Livre du Savoir et des Connaissances, est signé par Erzurumlu Ibrâhim Haqqi : l'édition manuscrite présentée à la Foire remonte aux environs de 1760, plus de 70 ans avant les premières versions imprimées. Ce recueil rassemble des théories astronomiques, philosophiques, mathématiques, physiologiques, mais aussi des textes religieux, et reste célèbre pour proposer la première interprétation de l'astronomie post-copernicienne par un savant musulman.

Plus proche du manuel que du traité scientifique, l'ouvrage de Gervase Markham publié en 1616 vante les mérites du cheval oriental, dont Markham fut l'un des premiers Occidentaux à faire commerce. D'après lui, les chevaux turcs et barbes, d'Afrique du Nord, sont « bien au-delà des autres chevaux pour la délicatesse de leur silhouette et de leurs proportions, si bien que même le plus appliqué des peintres ne peut rendre leur élégance naturelle avec tout son Art ».

Inutile de rappeler la science arabe des mathématiques : en 1475 paraît le Tabulae de motibus planetarum, manuscrit signé par Giovanni Bianchini. Il s'agit de la première apparition des fractions et des nombres décimaux dans un ouvrage européen. Cet exemplaire appartenant à l'empereur Frédéric II présente les tables astronomiques de l'astronome Al-Zarquali, richement enluminées. Mise à prix de départ à 380.000 €.

Autre spécialité peut-être moins connue, celle des sciences optiques : au détour du premier millénaire, Ibn al-Haytham, connu sous le nom d'Alhazen en latin, publie en arabe un thésaurus qui fait référence dans ce domaine. Il ne sera traduit qu'en 1572 en latin, mais révolutionnera la discipline en Europe, notamment du point de vue des expériences.

Avant d'échanger, de traduire et de profiter des découvertes scientifiques d'autres régions du monde, il faut le découvrir et les parcourir : une large partie du patrimoine littéraire présenté à Charjah porte donc sur les cartes de la région. La carte présentée ci-dessus est l'une des toutes premières à représenter l'Arabie, à l'aide de gravures sur bois colorisées à la main. Elle est signée par Claudius Ptolemaeus, et cette édition date du XVe siècle, dans le premier atlas imprimé en dehors de l'Italie.

Comme à la Foire du Livre de Francfort, les globes terrestres piquent parfois la vedette aux livres : sur le marché, ceux de Thomas Malby, un des spécialistes britanniques du genre, sont particulièrement recherchés. Celui-ci est le premier à faire figurer Dubaï.

Ludovico de Verthema ne fut peut-être pas le premier Occidental à visiter La Mecque, mais il fut en tout cas le premier à voir la bonne idée de l'écrire : son Itinéraire, qui le fait passer par l'Égypte, la Syrie et le désert d'Arabie, a été publié pour la première fois en 1523, à Milan.

Les échanges furent aussi religieux, avec ce Nouveau Testament, le premier traduit en arabe, en 1590, par Medicean Press dans la police de Robert Granjon. 149 gravures sur bois illustrent ce volume. La première traduction du Coran en anglais, elle, date de 1649, et elle est signée par Alexander Ross. Celui-ci s'est basé sur la traduction française réalisée par André du Ryer en 1647...